Poésie Poesie / beaux textes

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Le doigt de la femme​

Victor Hugo

Dieu prit sa plus molle argile
Et son plus pur kaolin,
Et fit un bijou fragile,
Mystérieux et câlin.

Il fit le doigt de la femme,
Chef-d’œuvre auguste et charmant,
Ce doigt fait pour toucher l’âme
Et montrer le firmament.

Il mit dans ce doigt le reste
De la lueur qu’il venait
D’employer au front céleste
De l’heure où l’aurore naît.

Il y mit l’ombre du voile,
Le tremblement du berceau,
Quelque chose de l’étoile,
Quelque chose de l’oiseau.

Le Père qui nous engendre
Fit ce doigt mêlé d’azur,
Très fort pour qu’il restât tendre,
Très blanc pour qu’il restât pur,

Et très doux, afin qu’en somme
Jamais le mal n’en sortît,
Et qu’il pût sembler à l’homme
Le doigt de Dieu, plus petit.

Il en orna la main d’Ève,
Cette frêle et chaste main
Qui se pose comme un rêve
Sur le front du genre humain.

Cette humble main ignorante,
Guide de l’homme incertain,
Qu’on voit trembler, transparente,
Sur la lampe du destin.

Oh ! dans ton apothéose,
Femme, ange aux regards baissés,
La beauté, c’est peu de chose,
La grâce n’est pas assez ;

Il faut aimer. Tout soupire,
L’onde, la fleur, l’alcyon ;
La grâce n’est qu’un sourire,
La beauté n’est qu’un rayon ;

Dieu, qui veut qu’Ève se dresse
Sur notre rude chemin,
Fit pour l’amour la caresse,
Pour la caresse ta main.

Dieu, lorsque ce doigt qu’on aime
Sur l’argile fut conquis,
S’applaudit, car le suprême
Est fier de créer l’exquis.

Ayant fait ce doigt sublime,
Dieu dit aux anges : Voilà !
Puis s’endormit dans l’abîme ;
Le diable alors s’éveilla.

Dans l’ombre où Dieu se repose,
Il vint, noir sur l’orient,
Et tout au bout du doigt rose
Mit un ongle en souriant.

Victor Hugo, Les Chansons des rues et des bois,


J'aime bien à cause de l'écriture "mystique" et la pointe d'humour finale
 
Haeresis
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Mourir pour des idées
L'idée est excellente
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue
Car tous ceux qui l'avaient
Multitude accablante
En hurlant à la mort me sont tombés dessus
Ils ont su me convaincre
Et ma muse insolente
Abjurant ses erreurs se rallie à leur foi
Avec un soupçon de réserve toutefois
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente.


Jugeant qu'il n'y a pas
Péril en la demeure
Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l'allure
Il arrive qu'on meure
Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain
Or, s'il est une chose
Amère, désolante
En rendant l'âme à Dieu, c'est bien de constater
Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente.


Les Saint Jean bouche d'or
Qui prêchent le martyre
Le plus souvent d'ailleurs, s'attardent ici-bas
Mourir pour des idées
C'est le cas de le dire
C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas
Dans presque tous les camps
On en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité
J'en conclus qu'ils doivent se dire
En aparté, "mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente".


Des idées réclamant
Le fameux sacrifice
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
Et la question se pose
Aux victimes novices
Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles?
Et comme toutes sont entre elles ressemblantes
Quand il les voit venir
Avec leur gros drapeau
Le sage, en hésitant
Tourne autour du tombeau, "mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente".


Encore s'il suffisait
De quelques hécatombes
Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât
Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent
Au paradis sur terre, on y serait déjà
Mais l'âge d'or sans cesse
Est remis aux calendes
Les Dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez
Et c'est la mort, la mort
Toujours recommencée, mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente.


Ô vous, les boutefeux
Ô vous les bons apôtres
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas
Mais de grâce, morbleu
Laissez vivre les autres
La vie est à peu près leur seul luxe ici-bas
Car, enfin, la Camarde
Est assez vigilante
Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux
Plus de danse macabre
Autour des échafauds, mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente

 
Haeresis
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J'en ai énormément voulu à Brassens, d'avoir participé à la libération des moeurs, d'avoir fait de la politique.
D'être allé sur les plateaux télé, à parler de la religion, des militaires, des femmes....

Pour moi, cette chanson, c'est sa façon de s'excuser.
De remettre les choses au clair.
De prendre du recul sur l'idéologie, de façon macroscopique.

On peut analyser le texte...
Y'a pas mal de subtilitées, de double-sens...
Mais je pense qu'il parle de lui-même.
 
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J'en ai énormément voulu à Brassens, d'avoir participé à la libération des moeurs, d'avoir fait de la politique.
D'être allé sur les plateaux télé, à parler de la religion, des militaires, des femmes....

Pour moi, cette chanson, c'est sa façon de s'excuser.
De remettre les choses au clair.
De prendre du recul sur l'idéologie, de façon macroscopique.

On peut analyser le texte...
Y'a pas mal de subtilitées, de double-sens...
Mais je pense qu'il parle de lui-même.
Bonjour
Je ne connaissais pas du tout cette chanson.
Merci pour le partage (y)
 
karton
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Thomas Pynchon (romancier américain)
V. (titre du livre)

D’une façon ou d’une autre, tout cela était lié à une histoire qu’il avait entendue autrefois, une histoire où il était question d’un homme qui se balade avec une vis d’or à la place du nombril. Pendant vingt ans il consulte donc, à travers le monde, des médecins, des spécialistes, afin qu’ils le débarrassent de cette vis, et toujours sans succès. Un jour enfin, à Haïti, il rencontre un docteur vaudou qui lui donne une potion malodorante. Il la boit, il s’endort et il rêve. Il rêve qu’il est dans une rue éclairée de lampes vertes. Alors, suivant les instructions du médecin-sorcier, il tourne deux fois à droite et une fois à gauche, depuis son point de départ, découvre un arbre près du septième réverbère, tout couvert de ballons multicolores. Sur la quatrième branche à partir du sommet, il y a un ballon rouge ; il le casse et trouve à l’intérieur un tournevis au manche de plastique jaune. Au moyen de ce tournevis, il retire la vis de son ventre et, aussitôt, il se réveille. C’est le matin. Il porte son regard sur son nombril: la vis a disparu. Enfin la malédiction de vingt ans est levée !

Délirant de joie, il bondit hors du lit. Son cul se détache et tombe...

:)
 
Lavandière
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« La Musique », Charles Baudelaire dans Les fleurs du mal

La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;

Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !

J’aime ce poème car il reflète bien les émotions que peut provoquer en nous la musique, c’est souvent lié à nos états d’âme.
 
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« La Musique », Charles Baudelaire dans Les fleurs du mal

La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;

Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !

J’aime ce poème car il reflète bien les émotions que peut provoquer en nous la musique, c’est souvent lié à nos états d’âme.
Bonjour
Superbe poème, j'aime bc. Merci pour le partage
Et +1 pour les raisons :)
 
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Le voyage - Emile Verhaeren

Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.
Le soir se fait, un soir ami du paysage,
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain, dorment encore.

Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées,
Au fouet soudain des montantes marées !
Oh ce regonflement de vie immense et lourd
Et ces grands flots, oiseaux d’écume,
Qui s’abattent du large, en un effroi de plumes,
Et reviennent sans cesse et repartent toujours !

La mer est belle et claire et pleine de voyages.
A quoi bon s’attarder près des phares du soir
Et regarder le jeu tournant de leurs miroirs
Réverbérer au loin des lumières trop sages ?
La mer est belle et claire et pleine de voyages
Et les flammes des horizons, comme des dents,
Mordent le désir fou, dans chaque coeur ardent :
L’inconnu est seul roi des volontés sauvages.

Partez, partez, sans regarder qui vous regarde,
Sans nuls adieux tristes et doux,
Partez, avec le seul amour en vous
De l’étendue éclatante et hagarde.
Oh voir ce que personne, avec ses yeux humains,
Avant vos yeux à vous, dardés et volontaires,
N’a vu ! voir et surprendre et dompter un mystère
Et le résoudre et tout à coup s’en revenir,
Du bout des mers de la terre,
Vers l’avenir,
Avec les dépouilles de ce mystère
Triomphales, entre les mains !

Ou bien là-bas, se frayer des chemins,
A travers des forêts que la peur accapare
Dieu sait vers quels tourbillonnants essaims
De peuples nains, défiants et bizarres.
Et pénétrer leurs moeurs, leur race et leur esprit
Et surprendre leur culte et ses tortures,
Pour éclairer, dans ses recoins et dans sa nuit,
Toute la sournoise étrangeté de la nature !

Oh ! les torridités du Sud – ou bien encor
La pâle et lucide splendeur des pôles
Que le monde retient, sur ses épaules,
Depuis combien de milliers d’ans, au Nord ?
Dites, l’errance au loin en des ténèbres claires,
Et les minuits monumentaux des gels polaires,
Et l’hivernage, au fond d’un large bateau blanc,
Et les étaux du froid qui font craquer ses flancs,
Et la neige qui choit, comme une somnolence,
Des jours, des jours, des jours, dans le total silence.

Dites, agoniser là-bas, mais néanmoins,
Avec son seul orgueil têtu, comme témoin,
Vivre pour s’en aller – dès que le printemps rouge
Aura cassé l’hiver compact qui déjà bouge –
Trouer toujours plus loin ces blocs de gel uni
Et rencontrer, malgré les volontés adverses,
Quand même, un jour, ce chemin qui traverse,
De part en part, le coeur glacé de l’infini.

Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.
Le soir se fait, un soir ami du paysage
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain dorment encor…

Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées
Aux coups de fouet soudains des montantes marées !

Emile Verhaeren, Les forces tumultueuses, 1902


Le pouvoir d'évocation de ce poème me surprend chaque fois que je le relis, ou que j'écoute cette magnifique interprétation
 
Lavandière
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Tristesse, Alfred de Musset

« J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté ;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.

Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie ;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en étais déjà dégoûté.

Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré.

Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré. »

Alfred de Musset évoque très bien la déception que l’on peut ressentir face à la vérité ou certaines vérités, et la nostalgie de moments passés.
 
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Tristesse, Alfred de Musset

« J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté ;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.

Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie ;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en étais déjà dégoûté.

Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré.

Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré. »

Alfred de Musset évoque très bien la déception que l’on peut ressentir face à la vérité ou certaines vérités, et la nostalgie de moments passés.
"Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie ;
Quand je l'ai comprise et sentie,

J'en étais déjà dégoûté."
La Vérité c'est parfois violent :)
 
Lavandière
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"Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie ;
Quand je l'ai comprise et sentie,

J'en étais déjà dégoûté."
La Vérité c'est parfois violent :)
Se sont les strophes qui me touchent le plus et qui donnent tout son sens au poème.
 
Chuisbibi
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Changement de pseudo
Je respire où tu palpites,
Tu sais ; à quoi bon, hélas !
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t'en vas ?

À quoi bon vivre, étant l'ombre
De cet ange qui s'enfuit ?
À quoi bon, sous le ciel sombre,
N'être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles,
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t'en ailles
Pour qu'il ne reste plus rien.

Tu m'entoures d'auréoles ;
Te voir est mon seul souci.
Il suffit que tu t'envoles
Pour que je m'envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ;
Mon âme au ciel, son berceau,
Fuira, car dans ta main blanche
Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne,
Si je n'entends plus ton pas ?
Est-ce ta vie ou la mienne
Qui s'en va ? Je ne sais pas.

Quand mon courage succombe,
J'en reprends dans ton cœur pur;
Je suis comme la colombe
Qui vient boire au lac d'azur.

L'amour fait comprendre à l'âme
L'univers, sombre et béni ;
Et cette petite flamme
Seule éclaire l'infini.

Sans toi, toute la nature
N'est plus qu'un cachot fermé,
Où je vais à l'aventure,
Pâle et n'étant plus aimé.

Sans toi, tout s'effeuille et tombe ;
L'ombre emplit mon noir sourcil ;
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.

Je t'implore et te réclame ;
Ne fuis pas loin de mes maux,
Ô fauvette de mon âme
Qui chantes dans mes rameaux !

De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie,
Si tu n'es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière,
Tu portes dans les buissons,
Sur une aile ma prière,
Et sur l'autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile L'inconsolable douleur ?
Que ferai-je de l'étoile ?
Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose
Qu'illuminait ta douceur?
Que répondrai-je à la rose
Disant: « Où donc est ma sœur ? »

J'en mourrai ; fuis, si tu l'oses.
À quoi bon, jours révolus !
Regarder toutes ces choses
Qu'elle ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre,
De la vertu, du destin?
Hélas ! et, sans ton sourire,
Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche,
Sans toi, du jour et des cieux,
De mes baisers sans ta bouche,
Et de mes pleurs sans tes yeux !

Victor Hugo,« Je respire où tu palpites »,
Les contemplations, 1856
 
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Je respire où tu palpites,
Tu sais ; à quoi bon, hélas !
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t'en vas ?

À quoi bon vivre, étant l'ombre
De cet ange qui s'enfuit ?
À quoi bon, sous le ciel sombre,
N'être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles,
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t'en ailles
Pour qu'il ne reste plus rien.

Tu m'entoures d'auréoles ;
Te voir est mon seul souci.
Il suffit que tu t'envoles
Pour que je m'envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ;
Mon âme au ciel, son berceau,
Fuira, car dans ta main blanche
Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne,
Si je n'entends plus ton pas ?
Est-ce ta vie ou la mienne
Qui s'en va ? Je ne sais pas.

Quand mon courage succombe,
J'en reprends dans ton cœur pur;
Je suis comme la colombe
Qui vient boire au lac d'azur.

L'amour fait comprendre à l'âme
L'univers, sombre et béni ;
Et cette petite flamme
Seule éclaire l'infini.

Sans toi, toute la nature
N'est plus qu'un cachot fermé,
Où je vais à l'aventure,
Pâle et n'étant plus aimé.

Sans toi, tout s'effeuille et tombe ;
L'ombre emplit mon noir sourcil ;
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.

Je t'implore et te réclame ;
Ne fuis pas loin de mes maux,
Ô fauvette de mon âme
Qui chantes dans mes rameaux !

De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie,
Si tu n'es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière,
Tu portes dans les buissons,
Sur une aile ma prière,
Et sur l'autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile L'inconsolable douleur ?
Que ferai-je de l'étoile ?
Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose
Qu'illuminait ta douceur?
Que répondrai-je à la rose
Disant: « Où donc est ma sœur ? »

J'en mourrai ; fuis, si tu l'oses.
À quoi bon, jours révolus !
Regarder toutes ces choses
Qu'elle ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre,
De la vertu, du destin?
Hélas ! et, sans ton sourire,
Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche,
Sans toi, du jour et des cieux,
De mes baisers sans ta bouche,
Et de mes pleurs sans tes yeux !

Victor Hugo,« Je respire où tu palpites »,
Les contemplations, 1856
Tres tres beau, magnifique (y)
« Où donc est ma sœur ? »
il est habile le bougre ! :ROFLMAO:
 
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Tu es plus belle que le ciel et la mer
Blaise Cendrars

Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir

Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises

II y a l'air il y a le vent
Les montagnes l'eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre

Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends

Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler

Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t'en

Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l'œil
Je prends mon bain et je regarde

Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t'aime


Un poème bien mystérieux
Aimer et partir ?
Pourtant j'aime beaucoup ce texte
Mais je n'arrive pas à savoir pourquoi.
Ça fait 20 ans que ça dure !
Bon je relis encore une fois :)
 
Lavandière
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Sur le plateau pierreux… de Salah Stétié (poète franco-libanais, 1929-2020)

« Sur le plateau pierreux aiguisé par le souffle, dans l'heure grave et les voix délivrées,
dort un village accroupi dans sa feuille.

Là-bas, derrière la ride de la terre, il y a la mer immensément présente, que rien n'abrège,
et ni même un oiseau.

Pays du nord parmi la figue et le raisin, je me souviendrai longuement de tes maisons de
pierre froide, avec leur dos de treilles, --- comme un troupeau engourdi par le vent. »
 
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"Mon bel amour" - chanson de l'album audio Thorgal
---
Mon bel amour
Avant le jour
Où je suis née
Je t'ai aimé.
Après ma mort
Plus fort encore
Je t'aimerai.
Au premier jour
J'ai prié pour
M'évaporer
À tes côtés.
Au dernier jour
Je revivrai
Dans ton amour.

Mon amour,
Mon aimant,
Je t'aime au-delà du temps.
Mon ami,
Mon aimé
Je t'aime pour l'éternité.
Refrain
.
Mon bel amour,
Avant le jour
Où je t'ai vu
Je t'ai perdu.
Et jusqu'au jour
De ton retour
Je ne vivrai plus.
Quand tu t'en vas
Demeure en moi
Ton souvenir
Pour seul désir
Et ta mémoire
Pour seul espoir
D'un avenir.

Mon amour,
Mon aimant,
Je t'aime au-delà du temps.
Mon ami,
Mon aimé
Je t'aime pour l'éternité.
Mon bel amour
Avant le jour
Où je t'ai vu
Je t'ai voulu.
De tout mon corps
J'en tremble encore,
Je t'aime si fort.
Et chaque jour
Je vivrai pour
Une illusion,
Une émotion,
Et pour toujours
Je t'aimerai
Mon bel amour.
 
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Sur le plateau pierreux… de Salah Stétié (poète franco-libanais, 1929-2020)

« Sur le plateau pierreux aiguisé par le souffle, dans l'heure grave et les voix délivrées,
dort un village accroupi dans sa feuille.

Là-bas, derrière la ride de la terre, il y a la mer immensément présente, que rien n'abrège,
et ni même un oiseau.

Pays du nord parmi la figue et le raisin, je me souviendrai longuement de tes maisons de
pierre froide, avec leur dos de treilles, --- comme un troupeau engourdi par le vent. »
Très beau texte. J'aime beaucoup :)
 
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"Mon bel amour" - chanson de l'album audio Thorgal
---
Mon bel amour
Avant le jour
Où je suis née
Je t'ai aimé.
Après ma mort
Plus fort encore
Je t'aimerai.
Au premier jour
J'ai prié pour
M'évaporer
À tes côtés.
Au dernier jour
Je revivrai
Dans ton amour.

Mon amour,
Mon aimant,
Je t'aime au-delà du temps.
Mon ami,
Mon aimé
Je t'aime pour l'éternité.
Refrain
.
Mon bel amour,
Avant le jour
Où je t'ai vu
Je t'ai perdu.
Et jusqu'au jour
De ton retour
Je ne vivrai plus.
Quand tu t'en vas
Demeure en moi
Ton souvenir
Pour seul désir
Et ta mémoire
Pour seul espoir
D'un avenir.

Mon amour,
Mon aimant,
Je t'aime au-delà du temps.
Mon ami,
Mon aimé
Je t'aime pour l'éternité.
Mon bel amour
Avant le jour
Où je t'ai vu
Je t'ai voulu.
De tout mon corps
J'en tremble encore,
Je t'aime si fort.
Et chaque jour
Je vivrai pour
Une illusion,
Une émotion,
Et pour toujours
Je t'aimerai
Mon bel amour.
Bonjour Jakael
"Vivre pour une émotion,une illusion"
Très joli merci
Je vais vite écouter la chanson (y)
 
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ELDORADO

Gaiement accoutré, un galant chevalier, au soleil et par les ténèbres, avait longtemps voyagé, chantant une chanson, à la recherche de l’Eldorado.

Mais il se fit vieux, ce chevalier si hardi, et sur son cœur tomba une ombre, comme il ne trouvait aucun endroit de la terre qui ressemblât à l’Eldorado.

Et, quand sa force défaillit à la longue, il rencontra une ombre pèlerine.
— « Ombre, dit-il, où peut être cette terre d’Eldorado ? »


— « Par-delà les montagnes de la lune, et au fond de la vallée de l’ombre, chevauche hardiment, répondit l’ombre, — si tu cherches l’Eldorado. »

Traduction par Stéphane Mallarmé.
Les Poèmes d’Edgar Poe

Un jour tu comprends enfin que l’Eldorado c'est voyage pas la destination
 
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Le dormeur du Val
Arthur Rimbaud



Poesie / beaux textes

Texte écrit de la main de Rimbaud.

Pour la beauté des contrastes et l'absurdité de la guerre...
 
Lavandière
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Femme

LXXVIII
SPLEEN dans « Les fleurs du mal »​

Baudelaire

« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

— Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. »
 
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LXXVIII​

SPLEEN dans « Les fleurs du mal »​

Baudelaire

« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

— Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. »
Mon dieu comme c'est bien écrit...
Bon je file me jeter par la fenêtre et je reviens ;)