C'était comme au sénat, ou à l'Assemblée Nationale. Je scrutais d'en bas l'immense amphithéâtre. J'étais assise à une table, avec deux ou trois juges. J'observais d'en bas les spectateurs de cette étrange audience. Ils étaient si nombreux et tous fort peu à l'aise. Ils étaient concentrés, perdus dans leurs pensées. Ils étaient dans leur monde et ignoraient le nôtre. J'analysais ces visages, tous plus ou moins connus. J'aperçois celui de Tatiana, elle se tenait bien droite dans son fauteuil roulant. Sa mine était impassible, comme beaucoup de personnes ici. Je me suis mise à fixer cet autre visage, celui de la personne en face de moi. Le visage de mon bien-aimé... Ses grands yeux noirs soulignés de belles cernes étaient plongés dans mes pupilles vertes sombres. Il fixait mon visage tout en analysant ces probabilités. Il était contre moi, ou comme on le dit maintenant, CSC. Il était là pour me juger comme toute cette assemblée. Ils sont tous là pour scander que je leur ressemble, que je fais partie de leur communauté. Je remarque ces savants et ces grands philosophes, ces personnages et ces connaissances... Albert Einstein, Platon, Lord Sterling Raindust, Tatiana... Tous ces gens sont réunis à cause de leur foutue particularité... Je suis une énigme à résoudre, une nouvelle espèce à étudier, un atome nouveau, un phénomène de foire. Pas tout à fait comme eux, mais pas entièrement autre chose. Foutaises ! C'est pourtant si simple, bordel. Pourquoi êtes-vous si aveugles ? Pourquoi cette probabilité représente selon vous 0,01% ? C'est pourtant faux et illogique... Aux antipodes de ce que vous recherchez... Pourquoi cela échappe-t-il à votre prétendu génie ? Pourquoi un "tableau excel" comme moi peut comprendre une chose qui échappe à des "Rubik's Cube®" comme vous ? Le supplice recommença quand la Grande Juge brisa le silence. Des milliers de paires d'yeux le scrutaient. Et mon bien-aimé m'agaçais. Il s'était ligué contre moi et me fixait comme une inconnue ou un des nombreux criminels qu'il s'apprête à démasquer. Il se mit à boire son café qui contenait précisément sept sucres (sujet de discorde entre nous. J'ai tendance à lui rappeler que le sucre dénature le goût du café et qu'il risque d'avoir le diabète, mais il me répond bien souvent qu'il a besoin de café pour rester éveillé et de sucre pour réfléchir. Il mange déjà des petits fours, pas besoin de sucrer autant son café. Il mange trop de petits fours.). La Grande Juge dit alors : -Kahiru, née le 03/11/07, ici présente. Accusée de mistype, outrage aux typologistes, déni, minimisation des faits et récidive. Vous plaidez innocente ou coupable ? - Je reconnais avoir accompli tout cela.Cependant certaines accusations sont fausses et erronées...À vous de trouver lesquelles,Grands génies. Mais déjà l'amphithéâtre s'évapore...Je me réveille en sursaut, le souffle court. C'était juste un rêve, un cauchemar. Je regarde autour de moi et je réalise que je suis dans mon propre lit, dans ma chambre à coucher. Tout est calme et paisible,habituel, rassurant,connu.Loin de l'audience de mon rêve.Je me redresse lentement et je m'assois sur le bord du lit, essayant de calmer mon esprit. Mes pensées sont encore emmêlées dans les événements de mon rêve, mais petit à petit, je commence à réaliser que tout cela n'était qu'une illusion.Je me lève finalement et je m'approche de la fenêtre. Il fait encore sombre dehors, mais je peux voir les premiers rayons du soleil commencer à se lever à l'horizon. C'est un nouveau jour qui commence, une nouvelle chance de vivre ma vie selon mes propres termes, sans être jugée par qui que ce soit d'autre.Je souris doucement en pensant à cela, sentant la tension et l'anxiété de mon rêve s'évanouir peu à peu. C'était juste un mauvais rêve, après tout. Rien de plus.