M
Anonyme
Il se trouve un moment où, à force de regarder un tableau, on y entre réellement. Le cadre se dissout et voilà qu’on se promène au hasard des chemins qui se découvrent comme dans un songe. Lire Sylvie Germain, c’est, pages oubliées, s’enfoncer dans de déconcertants paysages. Envahis d’une étrangeté qui tient du ravissement et de l’angoisse, où la poésie sourd en eau claire, où l’histoire avance sous le couvert des mystères. Et des improbables rencontres. Dans La Puissance des ombres, son nouveau livre, on croise un chat à face de hibou, un ondin verdâtre, un centaure, un homme seul et une foule de démons. Depuis Le Livre des nuits (Gallimard, 1985), Sylvie Germain a publié plus de trente-cinq titres, romans pour beaucoup, mais aussi essais, presque tous marqués par l’interrogation sur le sens des souffrances humaines. Quelle place pour la foi, pour l’espérance dans un monde de douleur, de pauvreté, de martyre, d’affronts ? Le peintre Pierre Soulages, aux toiles saturées de noir, dit qu’il travaille avec la lumière ; ainsi peut-on dire de l’écrivaine. Traversée de quelques-uns de ses faisceaux lumineux.
Question sentinelle. Il faut lever le doute. C’est qu’on a entendu quelque chose, des craquements de brindilles, des crissements légers, des murmures peut-être. Dans l’inconnu, l’invisible, dans l’inextricable fouillis du dehors, de l’ailleurs, cela s’agite et se rapproche aussi. Eveillant l’inquiétude, la curiosité craintive. L’envie, au bout du compte, de savoir ce qu’il en est.
Au préalable des textes de Sylvie Germain se trouve toujours ce moment du « laisser venir », du « laisser apparaître ». Elle est une écrivaine à l’écoute, aux aguets, à l’affût. « Je m’applique à faire taire en moi les vieilles rumeurs qui continuent à s’y répandre pour ne pas perdre de l’ouïe les infimes résonances qui traversent le silence », écrit-elle dans Eclats de sel (Gallimard, 1996). Ce qui surgit, ce qui se dévoile, va emporter le livre à venir, va tracer le chemin de l’histoire. Ainsi apparaissent, se révèlent plutôt, les contours, les traits des personnages de ses romans, « dormeurs clandestins nourris de nos rêves et de nos pensées, eux-mêmes pétris dans le limon des mythes et des fables, dans l’épaisse rumeur du temps ». Une foule « d’autres » dont elle s’explique dans Les Personnages (Gallimard, 2004), cette réflexion sur la création, cet essai si intime sur son travail de romancière.
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Question sentinelle. Il faut lever le doute. C’est qu’on a entendu quelque chose, des craquements de brindilles, des crissements légers, des murmures peut-être. Dans l’inconnu, l’invisible, dans l’inextricable fouillis du dehors, de l’ailleurs, cela s’agite et se rapproche aussi. Eveillant l’inquiétude, la curiosité craintive. L’envie, au bout du compte, de savoir ce qu’il en est.
Au préalable des textes de Sylvie Germain se trouve toujours ce moment du « laisser venir », du « laisser apparaître ». Elle est une écrivaine à l’écoute, aux aguets, à l’affût. « Je m’applique à faire taire en moi les vieilles rumeurs qui continuent à s’y répandre pour ne pas perdre de l’ouïe les infimes résonances qui traversent le silence », écrit-elle dans Eclats de sel (Gallimard, 1996). Ce qui surgit, ce qui se dévoile, va emporter le livre à venir, va tracer le chemin de l’histoire. Ainsi apparaissent, se révèlent plutôt, les contours, les traits des personnages de ses romans, « dormeurs clandestins nourris de nos rêves et de nos pensées, eux-mêmes pétris dans le limon des mythes et des fables, dans l’épaisse rumeur du temps ». Une foule « d’autres » dont elle s’explique dans Les Personnages (Gallimard, 2004), cette réflexion sur la création, cet essai si intime sur son travail de romancière.
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