Les choses inexplicables 2
Je suis à la cave en train de nettoyer ma paire de skis. Nous partons lundi pour un séjour en station de sports d'hiver. J'ai douze ans et demi. Je suis seule. Mes parents sont encore à une de leurs réunions de professeurs à l'université. Je n'aime pas trop être seule dans notre grande demeure. J'ai souvent l'impression d'une présence qui rôde quelque part dans la maison. Maman m'a confié une mission. Sortir le linge de la machine pour le mettre dans le sèche-linge. La buanderie est une grande pièce du sous-sol. Il y a deux vieilles armoires de famille. L'une contient des accessoires de nettoyage, balais, serpillères, seaux, poudres à laver et savons.
L'autre contient le linge que nous utilisons en été dans le jardin. Produits de purification pour l'eau de la piscine, les serviettes, les peignoirs, les coussins pour la balancelle. Tous ces ustensiles encombrants qu'il faut bien ranger quelque part. Je suis d'ailleurs chargée de faire l'inventaire de tout cela très bientôt. C'est ma mission avant la belle saison et avant les vacances de Noël. Je nettoie correctement mon matériel. J'aime que tout soit propre et bien rangé. Je place la paire de skis sur le râtelier avec celles de mes parents. Je suis absorbée par mes activités. C'est un bruit étrange qui attire mon attention. À bien écouter, c'est la seconde fois qu'il se fait entendre ce soir.
La première fois je n'y ai pas prêté attention. Mais là, maintenant qu'il se reproduit, je cesse de bouger. C'est un bruit sourd. Caverneux. Il pourrait évoquer un coup porté avec un objet lourd dans la grande salle d'un édifice religieux. Une étrange résonance que je pourrais qualifier de "caverneuse". Je sais qu'il y a des souterrains sous la cave. Mais il m'est interdit d'y pénétrer. Il y a même un puits très profond condamné par un couvercle de béton. J'écoute attentivement. Je reste quelques minutes immobile. Je ne suis pas spécialement peureuse. Il ne se passe plus rien. Je quitte cette partie de la cave qui communique avec le garage de nos voitures et des motos.
Je suis dans la buanderie. Accroupie devant le hublot ouvert de la machine. J'en tire le linge humide pour le faire tomber dans la corbeille. Soudain, le même bruit. Plus fort. Je me retourne en cessant de respirer. Un coup sourd que je crois localiser. Un bruit qui semble provenir de l'intérieur de l'armoire à linge. C'est violent. Il arrive quelquefois qu'une fouine habite notre grenier. Jamais la cave. Papa a déjà eu affaire à un loir un jour. Ce sont des animaux sauvages, discrets, souvent silencieux, qui ne cherchent pas le contact humain. Et quel rongeur vivant sous nos latitudes pourrait provoquer un tel phénomène sonore ? Ils vivent en restant cachés. Tentent de ne jamais se faire remarquer.
Ce sont des animaux qui affectionnent les greniers des maisons à la campagne. Mais là, avec ce que je viens d'entendre, il faudrait que ce soit une fouine ou un loir de la taille d'un gros chien. Je me dépêche de mettre le contenu de la corbeille dans le sèche-linge. Je ferme la porte. Je règle le thermostat. Je crois halluciner. La vieille clef de cuivre de l'armoire tombe soudain sur le sol pavé. Dans un bruit de cliquetis. Je n'ai pas peur. Mais je reste immobile. Il y a soudain un courant d'air froid. Glacial. Je frissonne en regardant le soupirail. Il est parfaitement fermé. Ce n'est donc pas un courant d'air. Je regarde cette clef. Longuement. Je cherche une explication rationnelle. Je grelotte.
Je m'approche pour la ramasser. Pour la remettre dans le trou de la serrure. Je me dépêche de filer. Juste en sortant. Le même bruit de la clef qui retombe au sol. Je l'ai pourtant bien remis en place. Pour être certaine j'ai même donné un demi tour afin qu'elle ne bouge plus. Il est tout à fait impossible qu'elle puisse chuter une nouvelle fois. C'est un peu comme si un être facétieux cherchait à me faire une blague. À se moquer de moi peut-être. Je reste silencieuse. Je scrute chaque recoin de la pièce. Le néon du plafond éclaire parfaitement tout l'espace. Je suis inquiète. Mes parents rentrent. J'entends la voiture descendre dans le garage. Cette fois, en remontant de la cave, en rejoignant maman dans la salle de bain, je raconte ce qui vient de m'arriver.
Maman et papa ont toujours prêté une oreille attentive à chacun de mes propos. Ils n'ont jamais tourné en dérision une de mes affirmations. Jamais. Aussi, maman me confie une fois encore qu'elle aussi a déjà eu l'impression d'une "présence" dans notre maison. De rares fois. Papa précise une fois de plus que c'est une grande demeure du dix-neuvième siècle. Lui-même a vécu depuis son enfance ici, avec mon papi et ma mamie qui sont partis vivre dans le Var. Cette maison possède une histoire. Papa n'a jamais rien remarqué d'étrange. Je reste avec une curieuse impression. C'est un homme pragmatique qui évite de trouver des explications plus fumeuses que les faits.
Je me rappelle de chacune des manifestations de ces phénomènes depuis petite. Je partagerai ici d'autres anecdotes vécues...
À bientôt